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April 2025

Essay01.07.2020

On Edward Kienholz’s installation Roxy’s

Isabelle Cornaro for Pavilionesque, Number III, July 2020

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Entre fétichisme et publicité, l’artiste Isabelle Cornaro détourne les obsessions de notre époque

Alexandre Parodi, Numéro, July 2021

Essay15.03.2024

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Una vanitas contemporanea. La mostra di Isabelle Cornaro a Roma

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Essay01.12.2014

L’artiste en traducteur

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Essay01.10.2021

Seeing, Understanding, Living

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Interview01.03.2019

Isabelle Cornaro

with Nicolas Trembley and Thibaut Wychowanok, Numéro, March 2019

Review17.10.2018

Blue Spill – Isabelle Cornaro

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Review24.10.2018

Isabelle Cornaro at Balice Hertling

Mara Hoberman, Artforum International, October 2018

Essay11.01.2014

In Captions, As Annotations

Lauren Mackler, This Morbid Round Trip from Subject to Object (a facsimile), Ed. LAXART, 2014

Interview11.01.2014

Isabelle Cornaro Interview

with Matthew Schum, This Morbid Round Trip from Subject to Object (a facsimile), Ed. LAXART, 2014

Essay01.06.2011

Repointing: Isabelle Cornaro and the Index

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Interview01.01.2011

From the Cinematic to Display

with Alice Motard, Isabelle Cornaro, Ed. JRP|Ringier, 2011

Essay01.06.2011

Artist in the Act

Clément Dirié, Isabelle Cornaro, Ed. JRP|Ringier, 2011

Essay01.06.2011

Vanishing Points and Emerging Forms

Vivian Sky Rehberg, Isabelle Cornaro, Ed. JRP|Ringier, 2011

Interview01.07.2012

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Essay01.01.2016

Isabelle Cornaro

Benjamin Thorel, Le Journal de la Verrière, January 2016

Interview08.02.2016

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with Emily McDermott, Interview, August 2016

Essay01.02.2015

Suspended Animation

Paul Galvez, Artforum, February 2015

Review01.03.2015

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Review24.05.2015

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Andrew Witt, Artforum.com, May 2015

Review05.05.2015

Le impressioni chromatiche di Isabelle Cornaro

Elena Bordignon, ATP Diary, May 2015

Review01.05.2014

Isabelle Cornaro at LAXART

Eli Diner, Artforum, May 2014

Review01.02.2016

Isabelle Cornaro at Balice Hertling

Riccardo Venturi, Artforum, February 2016

Review27.01.2016

Des gestes de la pensée

Alain Berland, Mouvement.net, January 2016

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Essay / 01.07.2020

On Edward Kienholz's installation Roxy's Isabelle Cornaro for Pavilionesque, Number III, July 2020

Essay / 01.07.2020

On Edward Kienholz's installation Roxy's

Isabelle Cornaro for Pavilionesque, Number III, July 2020

Roxy’s est le premier environnement que j’ai vu d’Edward Kienholz. Il relate un souvenir brutal de son adolescence : sa visite dans un bordel de Las Vegas, en temps de guerre. On y voit un portrait du Général Mac Arthur, une vareuse pendue à un porte manteau, et un calendrier datant de juin 1943. Sur les photos du vernissage, en 1962 à Los Angeles, les visiteurs sont élégamment habillés – en moraliste inquiet de la condition humaine, Kienholz leur avait demandé de se présenter respectueusement aux effigies des prostituées qui composent ce Tableau d’assemblage.

Kienholz est aussi le seul à avoir représenté un avortement (The Illegal Operation, 1962) – où les objets qui composent la scène nous font visualiser les corps absents et le drame en cours – et, juste après l’assassinat de Martin Luther King, le lynchage d’un homme noir par cinq hommes blancs dans le déchainement de leur violence (Five Cars Stud,1969-1972). Il voulait créer un « art de la répulsion », en opposition directe au caractère narcissique de l’expressionnisme abstrait, et au fétichisme de la marchandise industrielle et des matériaux typique du Pop Art et du Minimalisme.

Dans la pénombre de Roxy’s, un juke-box dévide du jazz, une machine à sous énumère les passes. Les clients fantômes ont abandonné canettes, cigarettes et cigares. Des détails, un bouquet de poupées, un chaton en porcelaine, une lettre de « Petite sœur », un escarpin, un bâton de rouge à lèvres qui ressemble à une cartouche, un miroir brisé, forment un ensemble de signes pleins d’affects et de pathos qui sont aussi des signes de la culture américaine, et une critique directe de l’American Way of Life – comme un peu plus tard le film de Jack Smith Song for Rent (1969), plus queer et carnavalesque dans sa forme, où l’hymne national tourne en boucle alors que Smith jette autour de lui des objets typiques de la mythologie américaine – indifféremment un épi de mais, une boite de Campbell Soup, des photos en noir et blanc de pionniers et de soldats.

Dans la pénombre de Roxy’s, les sculptures qui représentent les prostituées figurent la brutalité subie. Elles sont démantibulées en pantins sectionnés, déformés, hybridés à des objets, des plantes ou des animaux. Un mannequin écartelé sur un plateau de machine Singer, une rose fichée dans le cou, la poitrine dévorée par un écureuil, porte le nom de ses tortionnaires et «FUCK» incisés sur la peau. Une poupée noire, le mannequin d’une enfant, a été aspergée d’un liquide brun dégoulinant le long de ses cuisses depuis son bassin. Une autre se réduit à une tête coupée, ensanglantée par le haut du crâne, et suspendue dans une coiffeuse faite de grillage à poule et de plumes. Une autre encore présente de longues jambes grotesquement collées à un torse sans bras et à une tête de poupée d’échelle bien inférieure, exagérant encore l’incongruité du rapport entre ces membres recomposés. Une autre encore présente des jambes écartées tenues à un buste fait d’une poubelle cylindrique, dont le couvercle ouvert lui sert de visage et porte l’inscription « LOVE ».

A l’instar des formes grotesques, ces images qui permutent les unes dans les autres s’opposent brutalement à la rationalité des formes classiques, pour contribuer à une réflexion philosophique et politique sur le monde. C’est de là qu’est venu mon intérêt pour l’œuvre d’Edward Kienholz. Paradoxalement, il me rappelait certains paysages de Nicolas Poussin, qui sont aussi des méditations philosophiques.

Dans ces paysages peints suivant un ordre perspectif idéal, la nature immense occupe la plupart de la surface du tableau, indifférente aux passions et aux actions tragiques des hommes qui l’habitent. C’est à partir de certains d’entre eux (Paysage avec un homme tué par un serpent, 1633; Paysage avec un voyageur au repos, 1648; Les saisons, 1660) que j’ai développé des installations composées de socles et de cimaises, formant une image construite comme un paysage, où des objets banals chinés dans des marchés aux puces et hérités de l’histoire culturelle de l’Europe expansionniste, sont disposés irrégulièrement. Dans une pratique que l’on pourrait qualifier de montage spatialisé entre des objets hétérogènes, comme un film assemble des images de différentes sources, ces objets-signes chargés d’affects et de références, précipitent la présence de corps absents, d’une culture, d’une histoire psychologique et politique.